L'Empire militaire

La découverte de la « mer de l'Ouest »

Expéditions de La Vérendrye

Carte des explorations de La Vérendrye dans l'Ouest, années 1730 et 1740

Légende: Carte des explorations de La Vérendrye dans l'Ouest, années 1730 et 1740

Alors que les Français viennent enfin à bout des Renards et établissent leur hégémonie sur les plaines centrales, un autre volet de la création de l'empire français en Amérique du Nord se joue au nord-ouest. Elle a pour principal héros un obscur officier canadien sans ressources, malgré ses brillants états de service, et commence vers la fin des années 1720 quand Pierre Gaultier de La Vérendrye, commandant d'un poste situé aux confins du monde connu, Kaministigoyan (aujourd'hui Thunder Bay, Ontario) entend les Amérindiens parler des vastes plaines qui s'étendent plus loin et du soleil qui se couche dans la mer de l'Ouest. Il se passionne pour ces récits et, en 1730, propose une mission d'exploration qu'approuvent tant au Canada le gouverneur général, Beauharnois, qu'en France, le ministre de la Marine, le comte de Maurepas. Après deux siècles d'expéditions aussi bien au nord qu'au sud, les explorateurs européens n'ont toujours pas trouvé le fameux passage vers l'Ouest et la cartographie de toute une partie du continent reste encore très fragmentaire. Du côté français, malgré quelques tentatives que la crainte de l'hostilité amérindienne fit avorter, on ne s'est guère aventuré encore au-delà du lac Supérieur. Un projet qui peut apporter réponse à une des grandes énigmes des XVIIe et XVIIIe siècles trouve donc écho dans la volonté royale - en l'occurrence celle de Philippe d'Orléans qui assure la régence pendant les jeunes années de Louis XV. L'année suivante, le lieutenant La Vérendrye prend la tête d'une expédition qui comprendra notamment quelques cadets - dont trois sont ses propres fils - et un missionnaire. Ce type d'organisation sera retenu pour toutes les explorations vers l'Ouest par la suite. Quelle que soit la participation des missionnaires et des voyageurs, l'encadrement et le commandement seront militaires, aspect de tous ces voyages de découverte qu'on a rarement soulignée.

Alors commence une quinzaine d'années d'explorations remarquables. L'expédition est organisée de façon systématique car, pour financer le tout, les La Vérendrye doivent commercer avec les Amérindiens. À mesure qu'ils progressent, ils érigent des fortins : les forts Saint-Pierre (Fort Frances, Ontario) en 1731, Saint-Charles (Magnussen Island, Manitoba), l'année suivante, et Maurepas, au sud du lac Winnipeg, en 1734. Les quelques coureurs des bois qui sillonnent déjà la région doivent s'accommoder de la venue de l'autorité royale et les nations amérindiennes dont ils traversent les territoires se montrent généralement accueillantes. Cependant, les Sioux tendent un guet-apens au cours duquel ils tuent 21 Français, dont un des fils de La Vérendrye et le missionnaire de l'expédition. Au lieu de risquer une confrontation militaire, La Vérendrye joue le jeu des alliances. Il sera vengé huit ans plus tard quand les Cris et les Assiniboines écraseront les Sioux.

Cependant, on a beau nommer « mer de l'Ouest » les immenses prairies où on érige ces fortins, le ministre de la Marine désire qu'on trouve la véritable mer. La Vérendrye pousse plus loin encore et érige le fort La Reine (Portage-la-Prairie, Manitoba) puis atteint le pays de la nation des Mandans, près de la ville actuelle de Spanish, dans le Dakota du Nord. Toujours pas de mer de l'Ouest ! Épuisé, il revient au fort La Reine, laissant ses deux fils poursuivre seuls les explorations.