L'Empire militaire

Vers les Grands Lacs

Le centre militaire se déplace vers l’ouest

Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville (1680-1767)

Légende: Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville (1680-1767)

La ville de Québec « ne pourrait pas être mieux postée quand elle devrait devenir un jour la capitale d'un grand empire » 134, écrit Frontenac à Colbert, en 1672. À compter de la seconde moitié du XVIIe siècle, toutefois, si Québec conserve son rôle de capitale administrative, Montréal devient le pivot stratégique du Canada par sa position au cœur d'un réseau de voies d'eau irradiant dans toutes les directions. Elle est le centre nerveux du déploiement des troupes françaises jusqu'au cœur du continent, et, par voie de conséquence, le quartier général de la plupart des Compagnies franches de la Marine. Sur les 28 unités, 19 y sont postées, contre sept pour la garnison de Québec et deux pour celle de Trois-Rivières. Montréal déclasse ainsi Québec au rang de premier poste défensif de la colonie, bien qu'elle ne bénéficie pas des mêmes avantages naturels ou artificiels, puisque ses modestes fortifications en bois, puis en pierre à partir des années 1720, qui peuvent assurer une protection contre des rôdeurs ennemis, ne pourraient soutenir un siège régulier. Montréal est donc la grande base d'où partent les attaques contre tous ceux qui veulent s'opposer aux visées expansionnistes de la France au sud et à l'ouest.

En 1673, en même temps qu'il encourage les grandes expéditions d'exploration vers le sud, un Frontenac visionnaire pose le premier geste concret en vue de créer cet empire français d'Amérique du Nord en faisant ériger un fort - le fort Frontenac, aujourd'hui Kingston, Ontario - à l'entrée des Grands Lacs. On y poste d'abord quelques soldats détachés des petites garnisons de Montréal et de Québec. À partir de 1675, les compagnies commerciales qui effectuent la traite des fourrures sur ce territoire y entretiennent leurs propres soldats. Ceux des Compagnies franches de la Marine les relèvent, en 1684, et deviennent ainsi la première garnison royale sur les Grands Lacs. La deuxième s'installe, trois ans plus tard, à Niagara. Quelques soldats se rendront en outre à Michillimakinac et même jusque chez les Illinois, mais ces petits détachements seront retirés en 1698, étant trop faibles pour résister aux Iroquois ou à d'autres tribus hostiles qui pourraient se présenter en force. Ainsi commence le déploiement d'un vaste réseau défensif autour des Grands Lacs.

La « grande paix » 135, conclue cérémonieusement à Montréal, après de longues et tortueuses négociations, entre la France, la Confédération iroquoise et les autres nations amérindiennes des Grands Lacs, lève les principales entraves qui empêchaient l'expansion française vers l'Ouest. Sans même attendre la fin des négociations, un contingent de 90 soldats, sous la direction d'Antoine de La Mothe-Cadillac, monte à bord de 25 grands canots, aborde la rive du lac Érié le 24 juillet 1701 et fonde Détroit. Il s'agit d'une colonisation militaire, car la plupart des soldats viennent pour s'y établir. Ce poste prospère rapidement, étant admirablement situé tant pour le commerce des fourrures que pour assurer les communications entre le Canada, l'Illinois et les établissements français sur le Mississippi.

Images additionnelles

Sergent, tambour et soldat des Compagnies franches de la Marine de Nouvelle-France, 1685-1700